Puel « un entraîneur est là pour donner sans jamais rien attendre en retour » (2016) 1/2

Cette interview est extraite de mon Football à la française, publié chez Solar en 2016. L’arrivée de Claude Puel à Saint-Etienne est l’occasion de revenir sur cette conversation de football organisée dans un petit bureau dans l’ancien centre d’entraînement de l’OGC Nice. Première partie.

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C’est d’abord sa voix qu’on entend résonner derrière le grillage du centre d’entraînement de l’OGC Nice. « Faites vivre le ballon !! » hurle-t-il à des gamins recouverts de rouge et noir qui ne gâche jamais une opportunité de faire une passe courte, de bouger dans l’espace. On entend, au bord de ce terrain construit au contre une route trop bruyante et trop encombrée, le bruit des passes qui fusent sur le gazon arrosé, des intérieurs du pieds secs qui claquent contre le ballon toujours joué au sol. 

L’entraîneur de ce club est l’homme en activité qui a le plus d’expérience en Ligue 1 avec plus de 500 matchs sur le banc et autant comme joueur. En 1000 matchs, il a vu donc passé presque trente ans de football français depuis le seul endroit qui compte : le terrain. C’est dire le prix que peut avoir maintenant pour nous une conversation de football avec lui. On y parlera sans doute de Wenger, sa plus grande influence, de Tigana, dont il fut l’adjoint à Monaco, de son amour du jeu et de son goût pour le métier d’entraîneur. 

Mais ce qu’il y a de plus étonnant chez Claude Puel c’est qu’en dépit de ce titre ronflant d’entraineur le plus capé de Ligue 1, il donne toujours l’impression – c’est peut-être sa discrétion ou son sens de la retenue – d’être toujours un jeune entraîneur aux idées nouvelles. C’est le paradoxe de Puel. Après avoir formé un nombre incalculables de joueurs, avoir été le dernier entraîneur à donner un championnat à Monaco (en 2000), avoir fait de Lille autre chose que de la chair à relégable, être le dernier entraîneur français à atteindre une demi-finale de Ligue des Champions (avec Lyon), il a fait maintenant de l’OGC Nice la grande surprise du championnat 2015-2016. Son dernier mérite n’est pas seulement d’avoir hisser un club moyen en première page des journaux mais surtout d’avoir réussi à en faire un modèle de jeu et de formation à la française.

Et si c’était lui le meilleur entraîneur français de ces dix dernières années ?

Derrière son bureau minuscule du vieux centre d’entrainement de l’OGC Nice, il indique poliment au visiteur un siège en face de lui. 

Par où commencer ?

J’ai une idée.

Quand il arrive sur le banc du FC Barcelone en 1988, Johann Cruyff veut que son équipe joue bien parce qu’il sera le seul à en voir tous les matchs et qu’il a peur de s’ennuyer. Qu’est-ce que c’est le plaisir d’un entraîneur ?

Je prends du plaisir quand je vois mon équipe bien s’exprimer, avoir de la fluidité dans le jeu et que tout s’enchaîne bien. Parfois ça m’est arrivé d’être un peu trop spectateur ou supporter. Comme l’année où on est champions avec Monaco, en 2000, avec une équipe très jeune, la plus jeune de l’histoire. La majorité d’entre eux sont devenus par la suite internationaux. C’était un plaisir de voir cette équipe en terme de qualité de jeu, de caractère, d’équilibre, de technique individuelle, un vrai régal. Même quand on prenait un but, on voyait tout de suite qu’on avait le caractère qu’il fallait pour tout de suite enchaîner et se porter vers l’avant. Voilà ce qu’est le plaisir pour moi. Ce n’est pas une question de résultat brut. Le plaisir de l’entraîneur c’est aussi de veiller à la progression individuelle d’un joueur quel que soit son âge, même s’il est en fin de carrière. Pour les plus anciens, on peut travailler des aspects tactiques, faire des choses en corrélation avec leur niveau physique. Pour les jeunes, qui ont encore toute leur carrière devant eux et vont faire toute leur carrière sur leurs points forts, on les développe en concevant un travaille spécifique pour eux à l’entraînement. Même si parfois il s’en servira pas dans un autre club, je suis content de voir qu’un jeune qui a débuté avec moi, avec qui on a beaucoup travaillé est devenu un grand joueur ou un international.

Le plaisir de l’entraîneur c’est aussi de veiller à la progression individuelle d’un joueur

Vous avez fait débuté dans l’élite plus d’une soixantaine de joueurs, parmi eux  Eden Hazard, Éric Abidal ou Yohan Cabaye. Combien d’entre eux sont aussi devenus internationaux ?

Plus d’une trentaine. Les gens ne remarquent pas nécessairement ces choses-là mais pour moi le fait d’avoir été important pour eux à un moment de la carrière de ces joueurs, c’est pour moi une reconnaissance de mon travail. Il y en a certains pour qui on sait tout de suite qu’ils vont faire une bonne carrière mais il y en a d’autres pour qui la carrière se joue sur des rencontres, du bon travail qui leur permettent dans un premier temps de progresser et pourquoi pas ensuite de devenir international.  

Comment on s’y prend pour faire progresser un joueur de ce type ? Comment vous y êtes vous pris avec Debuchy par exemple ?

Quand je le prends c’est un milieu défensif besogneux et généreux mais qui a du mal à lever la tête pour prendre l’information. Or, à ce poste là il faut être bon dans les contrôles sous pression. Pour moi il ne passait pas. Je l’ai donc mis de suite milieu droit. Mais à 20 ans il ne savait pas faire un centre. On a bouffé spécifiquement, des centres, des centres, des centres…Et puis au bout d’un moment, après avoir fait son trou milieu droit à Lille, je lui dis « c’est bien ce que tu fais, pour la première division pas de problème tu as ta place, mais je pense que tu ne pourras pas aller plus haut. Sinon il va falloir que tu recules. Et donc travailler le jeu de tête, les couvertures, les aspects tactiques, les gestions de deux contre un. Si tu y arrives, peut-être que là oui tu pourras espérer plus. » Après m’avoir fait un peu la tête, il a fini par reculer et c’est là qu’il est devenu international. Il avait gardé sa qualité de centre qu’il avait travaillée quand il était milieu droit et fait ensuite ce qu’il fallait pour améliorer les aspects défensifs.

Quelle est l’équipe qui vous a le plus marqué dans votre carrière ?

Gamin j’aimais déjà le foot mais j’ai commencé à ne m’y intéresser sérieusement qu’à 15 ans en rentrant au centre de formation. Avant, je ne regardais pas trop de matchs. Je suivais un peu Saint-Etienne à la radio en coupe d’Europe mais c’est tout. Mon père était dans le rugby et j’allais plutôt facilement voir le CO à Castres. Si j’ai aimé le foot c’est parce que c’était pour moi une manière de me libérer. Jamais je n’ai pensé faire carrière. L’équipe qui m’a le plus marqué ? Comme joueur je me souviens avoir pris beaucoup de plaisir une année où on rencontré le Barça de Cruyff en phase de poule de Ligue des Champions avec Romario, Stoichkov, Guardiola et compagnie (décembre 1993, défaite 2-0) . Et puis en demi-finale, sur un seul match comme on le faisait à l’époque, on a rencontré l’AC Milan de Desailly et Capello à San Siro (défaite 3-0). Barcelone et Milan se sont d’ailleurs retrouvées tous les deux en finale à la fin. C’est l’équipe qui a été la plus organisée, la plus structurée, qui a gagné cette finale 4-0 : Milan. C’est bien d’avoir la possession mais à condition que ça débouche sur de l’efficacité. 

On dit parfois que les entraîneurs ressemblent au joueur qu’ils ont été. Ça ne semble pas vraiment être le cas pour vous. Comment définiriez-vous le style Puel ?

Joueur, j’étais plutôt dans le duel ou le volume de jeu. Je crois que je ne me serais pas fait jouer d’ailleurs. Ce n’est que vers 27, 28 ans que je suis arrivé malgré tout à un bon niveau notamment sur des aspects techniques, en vision du jeu, en simplicité. Mais à l’époque à un milieu défensif, on lui demandait surtout d’être un récupérateur. Ensuite comme entraîneur, j’ai toujours aimé les joueurs techniques. Que ce soit Monaco avec qui on est champions ou à Lille quand je prends un club avec 19 millions d’euros de budget, c’est-à-dire rien du tout. On ne pouvait prolonger personne, pas faire venir des gars de l’extérieur, du coup j’ai fait avec les gamins du centre. Je les ai choisi en fonction de leur potentiel technique avec l’objectif de les rendre plus complets. Car souvent le joueur technique est joueur, pense au ballon, créatif, mais parfois il va manquer de structure, de discipline, de régularité. Alors on lui apprend à se déplacer, à sentir le jeu, être acteur à la perte du ballon, être physiquement en capacité de répéter les efforts. Si on arrive à structurer des joueurs créatifs, techniques, doués d’une bonne vision du jeu sans pour autant gommer leurs points forts, on peut à alors avoir des super joueurs. À Lille on eu Stéphane Dumont, Jean II Makhoun, Yohan Cabaye, Mathieu Debuchy…

Je crois que je ne me serais pas fait jouer d’ailleurs.

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Et Mathieu Bodmer qui vous a ensuite suivi à Lyon puis à Nice

Je l’avais vu en Ligue 2 une ou deux fois à 18 ans. Je l’avais trouvé techniquement super intéressant, c’était magnifique ce qu’il réalisait. Mais il avait disparu des radars. J’ai demandé à mon recruteur de le chercher et on l’a retrouvé en CFA 2 avec Caen, il avait été viré par l’entraineur des pros. Du coup on est allé le rencontrer, discuter avec lui pour le faire venir. Il a baissé son salaire pour pouvoir payer son transfert à Lille. On l’a payé 50.000 euros. 

Vous faite aussi venir Eric Abidal de Monaco alors qu’il n’y joue presque pas. Un jour à Barcelone il m’a dit que les deux entraîneurs les plus importants de sa carrière ont été Pep Guardiola et vous. Je mentirais si je disais que sur le moment je n’ai pas été surpris par la deuxième partie de sa réponse… Il m’a expliqué que c’était avec vous qu’il avait appris son métier de footballeur. « Avec Puel, m’a-t-il dit, si t’as mal à la cheville, tu te plains pas, tu strappes et tu joues ».

J’ai pas mal travaillé tactiquement avec Eric. C’était un latéral mais je trouvais qu’il avait aussi de superbes dispositions pour jouer dans l’axe. Alors je l’ai fait joué arrière central à Lille. Il a du aussi apprendre à avoir une attitude professionnelle au niveau de la régularité, la remise en question, le volume de jeu dans un match, le respect de la parole, du métier, du coach, du staff. On a eu des prises de bec tous les deux à ces sujets. Je me souviens qu’au bout de 7 ou 8 mois il a voulu partir de Lille pour aller à Paris. Je le lui ai interdit en lui disant « non, on est venu te chercher en CFA, tu n’avais pas de porte de sortie à Monaco, tu me téléphonais tout le temps, on t’a pris, on t’a révélé, tu dois encore une année à Lille. Maintenant tu dois confirmer et c’est le plus difficile. Tu verras qu’ensuite d’autres clubs que Paris te contacteront ». Il est parti en cassant la porte de mon bureau. Pendant un mois il ne m’a plus adressé la parole. Et puis ensuite il est revenu, s’est entraîné, a travaillé, et a fait une saison énorme derrière et est parti à Lyon. Il avait déjà été ébloui par les salaires qu’on lui proposait à Paris, mais ensuite à Lyon il a eu beaucoup plus. Sans parler de Barcelone. C’est un chemin qu’on mène comme ça avec beaucoup de joueurs. Il y a parfois des prises de bec parce qu’ils ne comprennent pas toujours mais en général sur la durée ils finissent par se rendre compte.

Eric est parti en cassant la porte de mon bureau. Pendant un mois il ne m’a plus adressé la parole.

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Ce que vous décrivez c’est presque un rôle paternel avec vos joueurs.

D’ailleurs Abidal m’appelait toujours « Papa Claude » ! (rires). Je me souviens qu’un jour Jacques Devismes, un entraineur national qui avait mis à disposition de Monaco de temps en temps pour m’apprendre le métier quand j’étais encore préparateur physique avec Tigana, m’a dit un jour qu’un entraîneur est là pour donner sans jamais rien attendre en retour. Je me suis attaché à cette phrase. On est là toujours pour donner. Certains comprennent, d’autres pas. Mais le but n’est pas de recevoir. Parfois quand on la reconnaissance de joueurs, on est content mais ce n’est pas du tout une finalité. J’en ai fait ma conviction.

Votre travail est celui d’un pédagogue. Vous envisager non seulement la progression de l’équipe mais aussi des joueurs individuellement. Comment vous y prenez-vous ensuite pour construire une équipe ?

D’abord je regarde les profils que j’ai. Si je recrute je choisis certains profils techniques, intelligents, réceptifs… Par exemple Yohan Cabaye. C’était un joueur très intelligent mais qui manquait encore de physique. Il s’est mis à travailler. Lui, dès qu’on lui disait quelque chose au niveau du ballon il le corrigeait de suite sur le terrain. On avait à faire à un joueur très intelligent et donc capable de passer des caps et de bonifier son jeu. On a travaillé aussi les coups francs parce que je trouvais qu’il avait un bon pied. J’ai toujours eu cette idée du métier, dès mes premières années d’adjoint à Monaco. Avec Titi Henry par exemple. Il rentrait en fin de match la première année (1996-1997, ndla) pour jouer 20-25 minutes. Il rentrait côté gauche, revenait sur son pied droit et ensuite à chaque fois mettait des mines (sic). De temps en temps, il en cadrait une ou deux mais la plupart du temps la frappe partait dans les nuages. On a fait beaucoup d’exercices avec des figurines: je lui donnais un ballon avec prise de balle, il éliminait la figurine et ensuite il enroulait. Il a travaillé, travaillé. On a ensuite retrouvé ce mouvement dans son jeu. Il était capable de mettre le ballon où il voulait et avec la force qu’il voulait. Même ensuite quand il a joué dans l’axe, il a gardé ce truc du plat du pied. C’est intéressant pour moi de développer chez un joueur des points forts sur lesquels il va pouvoir s’appuyer pour mener sa carrière.

L’entraîneur que vous avez le plus connu c’est Arsène Wenger. Quelle influence lui reconnaissez-vous dans votre conception du travail ?

C’est l’entraineur que j’ai connu le plus longtemps, pendant six an et demi. C’est sa personnalité qui m’a influencé au départ car Wenger est toujours maître de la situation. Il peut devenir fou parce qu’on a perdu un match mais cinq minutes après répondre au micro, avoir une analyse calme et mesuré sans jamais, comme certains qui se défaussent sur leurs joueur, donner son équipe ou un homme en pâture. J’aime bien cette pondération, cette prestance, sa personnalité, le fait qu’il soit grand. Il se dégage de lui quelque chose d’intéressant. Wenger est quelqu’un qui a horreur des conflits, est plus consensuel que moi, qui suis plus sanguin. Moi, je peux aller chercher le joueur, dialoguer avec lui ou bien le piquer aussi pour voir s’il a du répondant, essayer de développer son caractère en le faisant vivre des situations qui peuvent être difficiles pour lui. Je le laisse là un temps et puis après je lui tends la perche et je viens le récupérer. 

Je regardais l’autre jour la finale de Coupe de France 1989 (Marseille-Monaco 4-3), Wenger ne joue quasiment qu’avec des milieux de terrain. Même Weah, l’attaquant, est en permanence connecté à eux.

Cette équipe était un mélange de joueurs de ballon et de joueurs de devoir. L’équipe la plus solide et qui a le mieux marché selon moi c’est celle de la saison suivante (1990-1991, l’ASM finit 2ème derrière l’OM de Tapie) : Sonor, Ettori, Mendy, Sauzée, Manu Petit, Dib et moi au milieu, Rui Barros, Gérald Passi, Georges Weah et Ramon Diaz. Cette équipe était un mélange de talents et de caractères forts. Wenger a été le premier avec qui on a abordé sérieusement l’aspect tactique et qui a mis en place les prémices de la préparation physique. J’aime bien sa philosophie de jeu même si moi je prêcherais pour un peu plus d’équilibre à la perte du ballon. Wenger est très attiré par l’offensive.

 

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Quelle différence faites-vous dans le football français par rapport à votre époque comme joueur ?

Quand j’ai commencé à jouer il y avait  plus de qualités techniques, plus de jeu, plus de joueurs comme on en retrouve maintenant en Espagne, capables de s’inscrire dans le mouvement et la fluidité. Je trouve qu’on a perdu le fil. Pour moi le jeu français c’était de la technique, de l’intuition, de la créativité… Barcelone a bien montré qu’on pouvait avoir de la fluidité sans pour autant que ce soit le bazar. Le football français s’apparentait un peu au football espagnol de maintenant. Je regrette qu’il soit devenu si restrictif. Quand je vois des équipes de Ligue 2 qui ne font que balancer pour chercher des deuxièmes ballons, ou des joueurs rapides, puissants sans aucune réflexion sur le jeu, sincèrement c’est une purge. C’est dommage. Ce qui m’intéresse c’est de mettre l’accent sur des aspects tactiques, sur des profils, comme ce qu’on essaie de faire ici. 

Est-ce selon vous un problème de formation ou de recrutement ?

On privilégie chez nous les profils rapides et puissants. Beaucoup d’équipes de jeunes en Europe avec moins d’arguments que nous comme les pays nordiques, la Suède, le Danemark, jouent mieux que nos Espoirs, nos 19 ans ou nos 18 ans. Elles trouvent des intervalles, des diagonales. Nous on passe le match à courir derrière le ballon. Certes dans le dernier quart d’heure, comme les autres baissent physiquement, on arrive souvent à faire la différence parce que nos adversaires ont réussi à faire des décalages mais n’ont peut-être pas les joueurs de qualité qu’il faut pour pouvoir bien les concrétiser. Pourtant leur philosophie de jeu est beaucoup plus attrayante que la nôtre. Nous on envoie tout de suite dans l’espace ou on cherche des deuxièmes ballons. Pour jouer, proposer des solutions au porteur il suffit pourtant de faire 2 ou 3 mètres pour se rendre disponible. Mais on préfère sauter des lignes, miser beaucoup sur la verticalité… Si on fait de la verticalité à terre avec de la qualité technique comme le fait Lorient par exemple, c’est intéressant. Mais si on fait de la verticalité où on balance dans l’espace pour s’imposer ensuite physiquement ça l’est beaucoup moins. On laisse en plus beaucoup de joueurs en route et qu’on retrouve parfois sur le tard comme Féret à Caen ou Leroy. Chez nous Lemarchand par exemple, c’est un joueur intelligent, qui anticipe, qui a du ballon… Comment se fait-il qu’aucun club de première division ne soit venu le chercher avant nous ? Parce qu’on n’est pas porté sur le même truc. Eux ne voient le duel que par la force. Mais on peut très bien gagner son duel par l’anticipation, par la lecture du jeu. On a beaucoup travaillé ici avec la cellule recrutement. Au début les joueurs qu’on me proposait étaient à 10000 lieux de ce que je recherchais. Sur 49 joueurs qu’on me proposait pour un profil, il n’y en avait qu’un seul qui m’intéressait. Maintenant, on me présente de plus en plus de profils intéressants. C’est une progression extraordinaire pour nous. Ça nous permet de suivre un joueur, de le voir, de l’accompagner.

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Les entraîneurs répondent toujours qu’il faut les joueurs pour pouvoir jouer au ballon ou qu’ils n’ont pas le temps etc…

Quand je suis arrivé à Lille, on avait le plus petit budget. Pourtant je ne me suis jamais dit qu’il fallait être restrictif : mettre deux lignes de 4 devant la défense, travailler les couvertures, le coulissement et à la récupération, contrer. Le haut niveau c’est quoi ? Les équipes de niveau Ligue des Champions. Si vous regardez, ce ne sont pas des équipes recroquevillées derrière qui attendent les contres. Il y a eu Mourinho qui y est arrivé un peu avec l’Inter en faisant jouer Eto’o arrière droit. Mais la majorité des équipes sont des équipes de ballon performantes dans des situations de contre, dans les attaques rapides mais aussi dans le jeu construit. Une équipe se doit d’être performante dans tous ces registres à la fois. En France la majorité des équipes ne développent que le registre des attaques rapides. C’est vrai qu’il faut des joueurs de ballon pour s’exprimer ainsi. Mais c’est un problème sans fin car partout maintenant, même dans les équipes de jeunes, on privilégie des joueurs qui ont d’abord un physique. Du coup dans ce contexte on ne voit plus de joueurs créatifs parce que pour s’exprimer ils ont besoin autour d’eux d’avoir des joueurs qui pensent comme eux sinon ils disparaissent. Voilà pourquoi beaucoup de profils techniques ont disparu. 

Un joueur comme Vincent Koziello, par exemple, il y a 5 ans à Nice ce n’était pas possible…

S’il n’y a pas Nice, Koziello ne sort jamais. Non seulement il fallait qu’il puisse jouer dans son registre mais en plus il fallait qu’on lui apprenne, dans ce contexte, à mieux s’orienter. Par exemple il ne faisait pas assez de contrôles orientés vers l’avant, il n’avait pas assez de temps d’avance sur les autres, n’était pas encore assez dans l’anticipation. Mais comme c’est un joueur intelligent, il a été à l’écoute, a bossé, a passé de gros paliers techniques dans sa compréhension du jeu. Son profil avait beau être technique sans son intelligence, il ne serait jamais passé pro.

Vous répétez souvent à vos joueurs de « faire vivre le ballon ». Qu’est-ce que ça veut dire ?

Toujours avoir un temps d’avance, donner une solution au porteur du ballon. Ça demande une bonne compréhension du jeu, de l’anticipation, une lecture commune. Le collectif est une alchimie à trouver. Quand on a le ballon il doit y avoir des mouvements, les joueurs doivent penser la même chose en même temps.

Comment on entraîne cette alchimie ?

Par les exercices, le langage, la communication, la vidéo, la remise en question permanente. Par exemple avoir la maîtrise et la possession ce n’est pas la panacée. Il faut avoir le ballon pour pouvoir faire ce qu’on veut ensuite et essayer de déstabiliser l’équipe adverse. Il ne s’agit pas de ronronner, de jouer latéral ou de garder le ballon. Il faut trouver des angles de passe, des déplacements, du jeu haut et travailler l’équipe adverse jusqu’à ce qu’on trouve le moyen de lui faire mal. 

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A suivre…

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