La fameuse émission de M6 est un chef d’oeuvre, il faut bien le reconnaître. Mais pas de n’importe quel type, c’est un chef d’oeuvre français.
Bien sûr on peut toujours reculer d’un pas et d’un air contrit esquisser une moue dubitative. On peut aussi, sans doute par snobisme, faire mine de ne jamais s’y être intéressé, d’avoir d’autres chefs-d’oeuvres à lire le lundi soir, d’autres amis à voir ou d’autre semblable à contempler pour se pencher pendant plus de deux heures sur la solitude affective de quelques cultivateurs mélancoliques. On peut nier, mais on mentirait si l’on disait qu’on n’avait jamais rien ressenti en voyant ces hommes bourrus la larme à l’oeil courant après leur amour (“Katia je t’aime putain”), on serait malhonnête si l’on n’avouait pas avoir un instant pensé nous aussi à notre mère, notre père, notre tante, notre oncle, et songé à leur vanter à notre tour les mérites d’une lettre parfumée et d’un poèmes aux rimes touchantes et primitives.
S’il faut faire l’éloge de l’Amour est dans le pré (et de sa présentatrice Karine Lemarchand) ce n’est pas pour la mise en scène exagérément bucolique qu’elle propose du monde rural. Ce n’est pas non plus pour le soin pris par l’équipe technique à convertir n’importe quelle étendue ocre avant un coucher du soleil en un décor féerique (traveling, étalonnage, montage) propice à préparer nos esprits à l’émoi d’un speed-dating sur une péniche, aux frétillements d’une assistante de direction parisienne pour un vieux garçon solitaire de l’Allier aux doigts de géant et au coeur de petit garçon.
Non, s’il faut ici dresser l’éloge de l’Amour est dans le Pré c’est parce qu’il est un chef-d’oeuvre total de la télévision française.