Du rapport complexe que j’entretiens avec mon abdomen.
Mon passage sur l’autre versant de l’existence date du jour où je devinai sous mon T-shirt les premières courbes étrangères. La relation qu’un homme entretient à son embonpoint naissant est une affaire biblique. Il ne s’agit pas uniquement d’avoir la taille svelte, le torse fort. Non, l’âge avançant, la silhouette d’un homme est empreinte d’une gravité nouvelle. Si les femmes entretiennent avec leur poids une conversation ininterrompue depuis l’adolescence, pour les hommes, cette découverte est plus brutale. Elle ne tient pas en quelques chiffres abstraits (une balance pour la fête des pères est-elle une bonne idée de cadeau ?), mais un rapport nouveau et curieux avec son apparence et sa silhouette.
C’est donc avec un certain embarras, je l’avoue ici, que j’admets avoir fait la connaissance d’une nouvelle partie de mon corps qui, depuis quelques temps, semble mener une existence autonome. Ce qui me semblait naturel depuis les années de lycée (manger des Big Mac et toujours rester mince) tient aujourd’hui du miracle diététique. Je crois que vieillir c’est faire l’épreuve d’une gravité nouvelle : s’arrondir un peu plus chaque jour avant de s’effondrer pour toujours.